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Endurance
À 51 ans, j’ai couru le marathon de New-York, et je l’ai fini ! » Dix ans plus tard, derrière son comptoir scintillant de trophées, Ambroise évoque son affection pour la course à pied. Ambroise, c’est le genre de gars à rester en survêtement derrière son bar, un samedi soir, quand tous les citadins boutonnent leurs chemises à carreaux pour aller dîner dans les endroits branchés. L’homme est petit et robuste, sa belle barbe blanche me laisse songeur. J’essaie d’imaginer le nombre de kilomètres qu’il a dû parcourir pour rester en aussi bonne forme, tandis qu’il continue à insister sur les détails de cette fameuse course américaine. Je lui propose une bière pour le mettre dans de bonnes dispositions, il accepte. Ambroise sait très bien que nous ne sommes pas là pour bavarder athlétisme, et que la discussion tournera très vite vers sa deuxième passion, celle qui m’amène à Vieux-Condé ce soir-là.
Nous buvons lentement en discutant, tandis que mon attention oscille entre les coupes étincelantes et la salle du restaurant, qui se remplit de coqueleurs et de caisses en bois grillagées. Je me doute qu’inconsciemment il doit m’analyser, examiner chacune de mes phrases et peser leurs sens. Parce qu’en tant qu’ancien coqueleur et responsable d’un gallodrome, Ambroise sait que parler aux médias est toujours un peu risqué. Il pourrait y laisser quelques plumes et se mettre la fédération à dos.
“Vous savez, on ne peut jamais vraiment savoir ce que les journalistes vont écrire.”
Selon lui, les combats de coqs ont toujours eu mauvaise presse, et c’est pour cette raison qu’il accueille les journalistes avec hésitation. Ambroise estime que par manque d’approfondissement, ou par une volonté délibérée de nuire à l’image des gallodromes, certains articles publiés biaisent la vérité et insistent sur la violence des combats. Selon lui, les journalistes « arrivent déjà avec leur idée prédéfinie », entrent deux minutes dans l’arène, et ressortent aussitôt pour écrire leur papier, dans un mélange de rage et de colère injustifiées.
Oscillant entre vie privée et anecdotes professionnelles, Ambroise me raconte qu’il est arrivé en train à l’âge de 6 ans du fond de son Italie natale (deux jours et demi de trajet) : « Bien sûr que j’ai eu envie de pleurer quand j’ai vu le temps du Nord ! Mais il y a tellement de belles choses ici. » Il me parle de sa région d’adoption avec beaucoup d’amour, car même s’il n’a pas été élevé dans la passion et la ferveur des combats, il n’en a pas moins été coqueleur pendant des années. « Mais c’est fini tout ça, maintenant je suis un commerçant avant tout. »

Affrontement au corps entre deux combattants.

Premières secondes d’observation sur le ring pour ces deux coqs.
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Frictions
J’acquiesce de la tête, en l’écoutant, puis je lui demande s’il nous fait assez confiance pour nous autoriser l’accès à l’arène dans l’arrière-salle. « Vous savez, on ne peut jamais vraiment savoir ce que les journalistes vont écrire. Ils vous racontent qu’ils sont là pour écrire un article objectif et sans prises de position, et finalement on se retrouve avec un torchon qui nous compare à des monstres qui prennent plaisir à torturer des animaux. Enfin, vous m’avez l’air d’être des gars futés, et puis on ne pourra jamais rien faire contre ça de toute façon. C’est pour cela que les coqueleurs n’aiment pas les médias. D’ailleurs, je vais annoncer votre venue à tout le monde avant les combats, histoire de bien expliquer la raison de votre présence. » Je reste au comptoir et le regarde partir dans l’arrière-salle de son restaurant, un exemplaire de Leopolis Magazine sous le bras. Aucun doute, Ambroise est un commerçant avant tout.
Je termine ma boisson et rassemble mes affaires. Il faudra être prêt au moment où nous devrons entrer en piste. Dans l’arène, pas besoin de matériel en particulier me dis-je, j’aurai juste besoin de papier, d’un crayon bien taillé et de mon plus beau sourire. Je contemple la salle du restaurant en écoutant les Combattants du Nord coqueliner patiemment dans leurs caisses en bois. Chez Ambroise et Concetta, les anciens et les jeunes discutent, boivent de la pression et préparent leurs coqs aux combats.
De mon coté, je pense à notre tentative avortée de la semaine passée. En effet, quelques jours auparavant, nous étions à Tourmignies. En entrant, je me rendis instantanément compte que nous n’avions pas vraiment le style de l’établissement. Et les regards ne tardèrent pas à se fixer sur nos tennis luisantes et nos chemises à carreaux. Nous avons alors tenté une approche timide au bar, un billet de 5 euros collé entre les doigts, afin de commander des rafraîchissements. Les verres arrivèrent, tandis que je posais l’appareil photo sur le comptoir du Gallodrome. Dans un silence quasi-total, à l’exception des chants de coqs, tous les regards s’étaient alors tournés vers nous. Du fond de son bar, le patron était venu à notre rencontre, et avait juste précisé d’emblée que l’accès était rigoureusement interdit aux photographes (et aux emmerdeurs). Il pointa du doigt la grande pancarte « Interdiction de prendre des photographies » pour clore la discussion, avant même que l’on ne puisse dégainer notre argumentaire pacifiste.
Je mesure la chance que nous avons eue de rencontrer Ambroise à Vieux-Condé. Et tandis que je m’avance vers l’arrière-salle du restaurant, j’aperçois notre hôte perché sur l’arène centrale. Il exhibe notre magazine au dessus de sa tête comme l’un de ses trophées. J’entre dans la salle et Ambroise me pointe du doigt : « Ces jeunes gens travaillent pour un magazine, et ils préparent un sujet sur les Gallodromes. Ne vous inquiétez pas, ils ne sont pas là pour nous descendre mais pour faire découvrir notre passion à tout le monde ». Certains nous saluent d’un signe de tête mais quelques grimaces apparaissent. Je me demande si nous n’aurions pas fait une entrée moins fracassante en trébuchant à l’entrée, les bras chargés d’assiettes en porcelaine et de verres en cristal. Néanmoins, cette clarification semblait nécessaire, autant jouer cartes sur table.

L’heure des présentations.
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Équilibre
Des études montrent que les combats de coqs étaient déjà bien en place avant même la naissance du petit Jésus. En France, au fil des siècles, la tradition a survécu avant d’être interdite en 1850, puis encadrée de manière très stricte en 1964. Selon la Fédération des Coqueleurs du Nord de la France, il ne resterait qu’une poignée de Gallodromes déclarés sur tout le territoire du Nord-Pas-de-Calais. Des établissements plus ou moins importants répartis ça et là entre Godewaersvelde, Aire-sur-la-Lys, Tincques, Auchel et bien d’autres villages des Flandres.
“Si l’on touche au Gallodrome, on devra aussi interdire la tauromachie !”
Et lorsque l’on discute législation, on se rend bien compte que la survie des gallodromes ne se joue qu’à un fil, à un petit article du Code Pénal (Article 521-1) qui punit gravement la cruauté envers les animaux – « Le fait, publiquement ou non, d’exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende » – mais qui autorise quelques exceptions, sous l’égide de la tradition : « Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux courses de taureaux lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée. Elles ne sont pas non plus applicables aux combats de coqs dans les localités où une tradition ininterrompue peut être établie. » Tradition ininterrompue. La survie des Gallodrome n’est donc possible que grâce à l’habile formulation d’un texte de loi et les coqueleurs s’en amusent : « Si l’on touche au Gallodrome, on devra aussi interdire la tauromachie ! On verra alors ce qu’en pensera notre Premier ministre monsieur Valls. »
Le texte de loi précise également qu’il est interdit d’ouvrir un nouveau Gallodrome sans plus d’explications, probablement pour limiter l’expansion de cette pratique, et contrôler son aspect traditionnel.

Affrontement au corps entre deux combattants.

Épuisé par le combat, ce coq sera déclaré perdant une minute plus tard.
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Affrontements
À Vieux-Condé, l’atmosphère se détend. Les spectateurs s’installent dans les gradins de bois tandis que les coqueleurs procèdent à la pesée de leurs animaux. Vêtus de longues tuniques bleues et vertes, ils sont facilement identifiables. On entend les coqs s’impatienter dans les malles. Nous sommes dans l’arrière-salle du restaurant, une sorte de Colisée garni de gradins qui accueille l’arène grillagée en son centre. Légèrement surélevée par rapport au reste, la grande cage centrale ne possède pas de plafond. Je me demandais naïvement si les coqs ne sauteraient pas par dessus la clôture pour se faire la malle (et nous mettre un coup de bec en passant), mais cette réflexion n’avait de sens qu’avant les combats. Car je me rendrai vite compte que les coqs ne sont pas dans une ambiance « échappée sauvage » une fois dans l’arène : ils sont sur le ring pour s’esquinter.
Lorsque le premier affrontement démarre, je suis surpris par deux choses : la lourdeur avec laquelle les coqs retombent sur le plancher du ring (et qui provoque un bruit sourd) et l’habileté avec laquelle les animaux esquivent et attaquent leurs adversaires. Une esquive à droite, une attaque rapide à gauche, les Combattants du Nord sont aussi agiles que des raptors. Leurs longs cous ornés de plumes en bataille me rappellent d’ailleurs les plus belles scènes de chasse de Jurassic Park. Finalement le professeur Alan Grant n’avait pas forcément tort lorsqu’il expliquait à ce jeune garçon que les dinosaures étaient plus proches des oiseaux que des reptiles.
“Qu’est-ce que je fais ? Bah, je parie !”
Tandis que le combat fait rage, j’entends des spectateurs répéter plusieurs fois la même phrase : « 10 – Félix, 10 – Félix, 10 – Félix. » Curieux, je m’approche. « Qu’est-ce que je fais ? Bah, je parie ! ». Eh oui, les combats de coqs sont aussi l’occasion de défier le porte-monnaie de vos
amis. Le parieur propose à qui veut le défier, dix euros sur Félix. En cas de victoire, il pourra doubler sa mise. Les six minutes sont écoulées, les coqueleurs viennent reprendre leurs coqs. Les arbitres déclarent un match nul. Personne n’est mort. L’argent reste dans la poche. Je me poste près d’eux pour en savoir plus sur les règles.

Réception d’un coq après une tentative d’attaque.
Le règlement, comme la législation qui l’entoure, est très contrôlé. Six minutes de combats, sauf si un coq meurt avant. Le coq est déclaré perdant s’il se sauve ou se couche pendant au moins trois minutes. Le combat est raccourci à une minute si l’un des coqs se casse une patte pendant la partie. « Oui, ce sont des choses qui arrivent ». Je pose la fameuse question à propos des ergots de métal placés aux pattes des animaux. « C’est pour remplacer les ergots naturels que nous enlevons aux coqs. Ils provoquent des blessures nettes car ils sont droits et lisses, contrairement aux ergots naturels qui arrachent et tranchent la chair ». Ces règles, imposées et vérifiées de manière drastique sont obligatoires, sous peine d’amendes et d’exclusions de la fédération, souligne l’arbitre. « Les gens pensent qu’on met les coqs là-dedans jusqu’à ce que mort s’ensuive, mais c’est faux. Il y a des règles ! »
“Ces règles, imposées et vérifiées de manière drastique sont obligatoires, sous peine d’amendes et d’exclusions…”
Je retourne dans les gradins pour le deuxième combat, et j’en profite pour discuter avec mes voisins. Ils n’ont pas tous l’air d’avoir envie de tailler la bavette avec moi, l’homme de la presse papier, mais j’apprends que la plupart des spectateurs habitent aux alentours, et qu’il y a aussi des Flamands. Ils viennent en famille regarder les combats depuis des années. « C’est une passion qui se transmet de père en fils. Et vous voyez, il y a environ quatre générations présentes ce soir. » Je regarde en souriant les enfants venus assister aux combats avec leurs parents ce soir-là.
Avant de venir, certains de mes amis s’étaient offusqués de la probable présence d’enfants dans ce genre de spectacles. Ils trouvaient ce genre de divertissements trop violents, et s’étaient retrouvés à comparer leurs activités d’enfants entre eux. Est-il plus convenable pour un petit garçon de fréquenter les gallodromes plutôt que les salles de cinéma le samedi soir ? Même lorsque la programmation affiche des films tous publics comme Sex Tape ou Comment tuer son boss 2 ? Non, finalement cette comparaison n’a pas lieu d’être.
Le troisième combat va démarrer, les coqs sont lâchés dans l’arène. Après quelques secondes de regards fixes entre les deux animaux, un cocorico retenti, comme pour sonner la charge imminente du combattant. Les coqs sautent au même moment, les pattes en avant en direction de la tête de l’adversaire. Au bout de quelques charges, le plus gros des deux reste au sol. Blessé au cou, il préfère limiter la casse tandis que son adversaire se plaque sur lui, comme pour affirmer sa supériorité. Je regarde les animaux immobiles jusqu’à la fin du temps. Ces volatiles ne sont pas si différents des grands sportifs. Élevés à l’air pur et au bon grain des Flandres, ils s’entraînent plusieurs mois dans l’année, pour venir tenter leur chance sous les applaudissements et les encouragements de la foule.

Préparation du coq avant le combat, avec la mise en place de l’ergot de métal.

Les coqueleurs se retirent du ring et lancent leurs coqs à l’intérieur, avant de faire coulisser la grille.
Six minutes, terminé. Le vainqueur est écarté de son rival, et les coqs sont replacés dans leurs coffrets de bois. L’un recevra des soins pour se remettre de ses blessures, tandis que l’autre rejouera probablement à la prochaine compétition, quelques semaines plus tard.
Après le combat suivant, et un coup de flash malencontreux de mon collègue qui a fait arrêter l’affrontement entre les deux coqs (et a provoqué la colère de deux grands-pères flamands), je rencontre Olivier, un éleveur de Templeuve. Il est grand, charismatique et dégage un faux-air de Ryan Gosling. Son coq est sur le ring, et il me confie ses impressions sur la situation : « Les médias nous font passer pour des bourreaux, mais j’ai l’air d’un bourreau ? Faut pas croire, on les aime nos coqs. » Tous les éleveurs que j’ai rencontrés ont les mêmes craintes : se faire descendre par la presse et par les associations de défense des animaux et voir leurs coqs blessés dans les combats.
“Les médias nous font passer pour des bourreaux […] faut pas croire, on les aime nos coqs.”
Je retourne dans les gradins pour le deuxième combat, et j’en profite pour discuter avec mes voisins. Ils n’ont pas tous l’air d’avoir envie de tailler la bavette avec moi, l’homme de la presse papier, mais j’apprends que la plupart des spectateurs habitent aux alentours, et qu’il y a aussi des Flamands. Ils viennent en famille regarder les combats depuis des années. « C’est une passion qui se transmet de père en fils. Et vous voyez, il y a environ quatre générations présentes ce soir. » Je regarde en souriant les enfants venus assister aux combats avec leurs parents ce soir-là.

Les coqueleurs, toujours en binôme, retirent les protections des ergots.

Digne et noble, on sait désormais d’où provient l’expression « fier comme un coq ».
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Entrevue
Quelques semaines ont passé, et nous arrivons dans le petit village de Gruson, commune limitrophe de Baisieux. Après avoir repéré le numéro de rue en forme de poulet sur le devant de la maison, plus de doute, nous sommes à la bonne adresse. Je sonne, un chien aboie. Olivier vient nous ouvrir, et nous conduit directement vers le fond de sa ferme. Pour y parvenir, nous traversons une longue allée en herbes, bordée de cabanes en bois de chaque côté. J’entends quelques coqs remuer à l’intérieur, et surtout le chien courir derrière nous. Nous dépassons la barrière au bout du jardin, Olivier referme derrière nous. Je caresse le cheval en passant et aperçois les coqs dans le fond du terrain.
« Vous voyez, les coqs sont élevés en plein air lorsqu’il sont jeunes, ensuite ils sont mis à l’écart et de manière individuelle, pour éviter qu’ils ne s’entre-tuent. » Voyant que je fronce les sourcils d’incompréhension, Olivier nous explique. La race des Combattants du Nord, la seule utilisée pour les combats (avec les croisements des japonais-asiatiques) est une race bien particulière, résultat de la sélection génétique et de l’évolution. Lorsqu’un mâle est en présence d’un autre mâle dans la nature, ils vont instinctivement se battre, jusqu’à la mort. « Pas moyen d’empêcher ça ? » « C’est la nature. On a bien essayé de les séparer dans des cages individuelles, mais on s’est rendu compte que lorsqu’ils ne combattaient pas pendant une longue période, certains mourraient de crises cardiaques. » Les coqueleurs appellent ça « un coup de sang ». Lorsque le coq n’est pas exposé à des combats, il entre en furie jusqu’à ce que son organisme soit en surchauffe.
“Lorsqu’ils ne combattaient pas pendant une longue période, certains mourraient de crises cardiaques.”
Pas de tolérance aux autres mâles, des crises lorsqu’ils ne combattent pas, cette espèce est née pour se battre. Sans les combats, elle serait peut-être déjà éteinte depuis longtemps.
Francis, le père d’Olivier, arrive. Il se joint à notre conversation, tandis que nous entrons dans l’enclos des coqs. Après les avoir vu combattre, ils semblent presque dociles, doux et calmes en pleine nature. D’ailleurs dans cette ferme, tout semble calme. Sur le chemin du retour, nous discutons gastronomie, je leur demande si le coq est consommé lorsqu’il tombe au combat. « Y a pas mieux, un coq au vin comme ça, c’est tendre, c’est fin. Magnifique. » « Et puis, on sait d’où il vient celui-là. C’est nous qui l’avons élevé ! » Ils promettent de m’inviter la prochaine fois, je note la date sur mon calendrier, je ne voudrais pas rater ça. Car finalement, même si pour certains, les combats de coqs mettent en scène la violence d’une espèce animale, cela reste dans un cadre réglementé, qui fait vivre et perdurer l’esprit d’une tradition ancestrale.


Francis pose avec son coq.
Après les avoir quitté, nous remontons dans la voiture, le moteur démarre et je m’interroge. Les vives réactions suscitées par la survie des quelques gallodromes sont-elles fondées ? La visibilité médiatique de cette problématique patrimoniale a-t-elle besoin d’être aussi importante et controversée ?
Je réalise que certains sont révulsés par tant de cruauté humaine, alors que l’industrie agro-alimentaire devient de plus en plus efficace, et plus précisément dans les usines d’élevage industriel de volailles. Même si les usages sont différents (entre le loisir et la consommation alimentaire), la condition animale y paraît moins respectée : dans de grands hangars froids, des milliers de poussins et de poulets se marchent dessus, générant un ratio de mortalité effarant. Le processus semble simple : réception, anesthésie, saignée mécanique, plumaison, finition à la cire et éviscération avant de finir en nuggets ou en escalopes.
En parallèle de cette réflexion, n’y aurait-il pas une dimension hautement symbolique, associée à ces combats ? Comme l’expliquait Clifford Geertz (anthropologue américain mort en 2006), cette pratique régionale serait la narration que « les hommes se racontent à propos d’eux-mêmes », une sorte de « simulation de la matrice sociale. » Alors derrière ces coqs qui se déplument, n’est-ce pas plutôt le rapport de force des hommes qui se joue ?
Les combats seraient alors la métaphore de situations de conflits mettant face à face des intérêts contraires. Comme au théâtre, où les spectateurs trouveraient leur satisfaction dans la dimension cathartique du spectacle, véritable exutoire des âmes.
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